APPROCHE CONTRASTIVE DES LANGUES AU CYCLE 1

APPROCHE CONTRASTIVE DES LANGUES À PARTIR DE L’ALBUM “PETIT ESCARGOT ROUGE”, DE RASCAL (Pastel 2007)
Compte-rendu d’une activité menée par Mme Mélusine Ecarnot, professeure des écoles, école maternelle P. Kergomard, Besançon, année scolaire 2021-2022 (expérimentation : 2022)
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OBJECTIFS
BOENJS n°25 du 24-06-2021
– « comprendre des textes écrits sans autre aide que le langage entendu »
– « s’exprimer dans un langage oral syntaxiquement correct et précis »
– « valoriser la langue d’origine des enfants multilingues »
– favoriser une relation de confiance entre les familles et l’école
CONTEXTE
En lien avec le mémoire de CAFIPEMF de Romain CAFFAREL (Langues des élèves et langues de l’école. Les comparaisons des langues pour tisser des liens, 2021), une expérimentation d’approche contrastive des langues est menée auprès d’un groupe de 12 élèves de grande section. Elle prend appui sur l’album de RASCAL, Petit escargot rouge (Pastel, 2017), et vise à comparer la place de l’adjectif de couleur selon les langues. Celles-ci ont été choisies car parlées et /ou comprises par les élèves du groupe. En plus du français, quatre langues sont retenues : anglais, arabe (d’Algérie), turc et albanais (du Kosovo).
L’album Petit escargot rouge présente des particularités intéressantes. L’histoire est constituée d’une seule phrase à raison d’un mot par illustration (c’est-à-dire par double-page) : « Il était une fois un petit escargot rouge qui avançait très lentement ». Les illustrations, mises bout à bout, forment une seule image qui représentent le trajet de l’escargot. On peut découvrir l’album ici.
POUR ALLER PLUS LOIN
Caffarel, R. (2021). Langues des élèves et langues de l’école, la comparaison de langues pour tisser des liens, mémoire de CAFIPEMF.
Programme d’enseignement de l’école maternelle, BOENJS n°25 du 24-06-2021 
SÉQUENCE
L’expérimentation se déroule en deux grandes phases :
– un travail sur la compréhension en français à partir des illustrations de l’album ;
– une comparaison de la place de l’adjectif de couleur dans les différentes langues.
MATÉRIEL
– l’album
– les photocopies plastifiées des illustrations (sans le texte)
– les mots étiquettes de la phrase de l’album
– les mots étiquettes de la phrase simplifiée, en français et dans les langues choisies (voir les
étiquettes sur la fiche matériel).
DÉROULEMENT
COMPRÉHENSION DE L’ALBUM
Découverte des illustrations :

– Les illustrations (feuilles mobiles), sans le texte, sont présentées aux élèves, dans le désordre.

– Les élèves décrivent et repèrent les éléments communs (l’arrosoir, l’escargot, la maison, les semis et les salades, les arbres, le mur, le caillou).
– Ils émettent des hypothèses quant à l’histoire.
– A partir des illustrations, ils émettent des hypothèses sur la chronologie et les justifient avec les éléments graphiques.
– La validation de la chronologie se fait collectivement grâce à l’album.

 

 

Découverte du texte :

Objectif : segmenter une phrase en mots

– Lecture par l’adulte.
– Un mot-étiquette est fixé sur chaque page de l’album, de façon à pouvoir manipuler ces étiquettes.

– Reprise de la lecture tout en décollant chaque étiquette pour la fixer sur l’illustration mobile correspondante.

– A l’aide du livre, remettre les mots-étiquettes dans l’ordre pour reconstituer au tableau la phrase de l’histoire.
COMPARAISON DE LA PLACE DE L’ADJECTIF DE COULEUR SELON LES LANGUES

Il est décidé de travailler à partir d’une phrase simplifiée de l’histoire en français et de comparer cette construction syntaxique avec quatre autres langues (langues premières d’élèves de la classe) : position de l’adjectif de couleur, nom, présence et place d’un déterminant.

 Appropriation de la phrase simplifiée :

Objectif 1 : apprendre la phrase à l’oral
L’enseignant introduit la nouvelle phrase : « Un escargot rouge avance lentement ».

Rechercher collectivement un geste pour « un » « escargot », « rouge », « avance » et «lentement ». Apprendre/mémoriser la phrase et les gestes comme une comptine. 

Objectif 2 : manipuler les classes de mots (nom commun,  adjectif de couleur)
– Reconstituer la phrase « Un escargot rouge avance lentement. » à l’aide de mots-étiquettes (avec un code couleur selon la classe grammaticale) : 
– Remplacer « escargot » par d’autres noms d’animaux dont le déterminant est « un », et «rouge » par d’autres couleurs. Fabrication de mots-étiquettes.
– Appropriation : constituer une nouvelle phrase en choisissant l’animal et sa couleur. Lecture de chaque phrase.
Comparer la syntaxe de la phrase dans quatre langues :
Nous remercions pour les traductions et commentaires Ergün Simsek (pour le turc), Jamila Rollet (pour l’arabe) et Liviana Aliaj (pour l’albanais).
En albanais (tosque) :
Remarques : Il s’agit du dialecte “tosque” (dialecte du sud et albanais standard).
Le groupe nominal est décliné au nominatif, kërmill est du genre masculin (trois genres en albanais), l’épithète s’accorde et il est précédé de la particule “i” qui porte la marque du masculin.
En turc :
Remarque : Le verbe est à la fin de la phrase et il est suffixé :

                           EDER      +          IYOR             +    ——-       (pas de marque pour la 3ème personne)

                        verbe faire  + marque du présent + pronom  sujet

En arabe :
Remarques : Pas d’article indéfini en arabe
On écrit de gauche à droite, la translittération de la phrase le fait apparaître.
Objectif 1 : apprendre la phrase à l’oral
Découverte et apprentissage de la phrase traduite en anglais, en turc, en arabe (Algérie) et en albanais (Kosovo) en y associant les gestes.

Objectif 2 : comparer les énoncés écrits
La phrase est reconstituée grâce aux mots-étiquettes de couleur (selon la classe grammaticale) en français, arabe, albanais, en anglais et en turc. Pour l’arabe, le choix est fait de positionner les mots de gauche à droite afin de pouvoir comparer plus facilement. Cependant, il est expliqué aux élèves que le sens de lecture/ écriture en arabe se fait de droite à gauche.

Exemples :

– Ils découvrent l’écriture arabe et tentent d’identifier des lettres qu’ils connaîtraient.
– Le groupe constate que le français, l’anglais et l’albanais utilisent les mêmes lettres.
– Les élèves remarquent que les étiquettes d’une même couleur n’occupent pas toujours la même place.
– Ils remarquent qu’il y a deux mots sur certaines étiquettes.
– Un élève dit « ngadalë, ça veut dire lentement parce qu’on fait le geste ».
– Le groupe remarque que la position du mot rouge n’est pas toujours la même.

ENCART MÉTHODOLOGIQUE
Sur la variation :

Les langues sont sujettes à de la “variation”, elles se présentent sous la forme de différentes variétés, dont la variété “standard” (celle des dictionnaires), mais aussi des variétés géographiques ou historiques, différents niveaux de langues, différents registres (oral/écrit). L’arabe par exemple comporte de nombreuses variétés, certains pensent qu’il serait plus juste de parler “des” langues arabes. Le français lui aussi est sujet à de la variation, dont les enseignants n’ont pas toujours conscience, car la langue normée est considérée comme la seule qui soit légitime au sein de l’école (Verney, Sensibliser à la variation linguistique, ADEB).
Ainsi « Dans les contextes plurilingues, les frontières entre les langues en présence sont mouvantes » (Rispail 2017: 129 dans l’ ABCdaire de sociodidactique), c’est le cas dans les écoles dans lesquelles nous travaillons.

Sur la traduction :

Il n’existe aucune traduction “exacte” ou “parfaite”, ou qui satisferait tous les locuteurs. Il subsiste toujours un hiatus entre un texte et sa traduction, chaque langue reflétant une vision et une catégorisation du monde qui lui sont propres (Cassin 2016; Oustinoff 2018).

Sur ce type d’activité :

L’expérimentation décrite ici n’a pas valeur de modélisation, cette fiche ne constitue pas une recette à respecter à la lettre. L’activité sera d’autant plus pertinente et porteuse de sens pour les élèves qu’elle sera contextualisée, et menée dans l’idéal à partir de traductions faites par les parents considérés comme experts de leurs langues.

POUR ALLER PLUS LOIN
Cassin B. (2016). Eloge de la traduction. Compliquer l’universel. Fayard.
Geiger-Jailler A., Fonseca Favre M., Vaissière S. & Verney Y. (dir.) (2022). Abécédaire des gestes professionnels dans l’enseignement bi/plurilingue. Paris : ADEB.
Oustinoff M. (2018). La traduction. PUF. 6e édition.
Rispail M (dir.) (2017). Abécédaire de sociodidactique. 65 notions et concepts. Presses universitaires de Saint-Etienne.
Verney Y. (2022). Sensibiliser à la variation linguistique, ADEB.

Publication 2023

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